A la mémoire de Yann Cochin, militant syndical qui nous a quittés trop tôt, en septembre 2012.

Pour un Observatoire de la Sécurité des Services Publics Privatisés.
(Texte d'un message diffusé le 14 décembre 2009, à l'occasion de l'Appel pour des États Généraux du Service Public.)
 

Bonjour à Tou(TE)s !


J'ai déjà signé plein d'appels pour lutter contre le démantèlement des S P ! Ces démarches parallèles visant le même but, mais des publics différents, (pour ne pas dire des "clientèles"... différentes !), me rappelaient ce cri: "Ils ne sont forts que de nos faiblesses, de notre résignation, et de nos divisions !"

C'est donc un grand espoir de voir réunies derrière l'appel à des "États généraux du service public"... mes orgas préférées ! Merci à Jean Labrousse de me l'avoir transmis !

Dans un régime qui a fait de la peur son instrument privilégié pour conquérir le pouvoir et... [tenter de] le garder, qui n'hésite pas à jouer les apprentis sorciers en maniant, (et ... en mariant), des expressions comme identité nationale et insécurité, je me demande si nous n'avons pas une occasion de faire, à notre tour, de l'intimidation, mais... pour la bonne cause !

Salutations républicaines, donc pas encore marchandes, et toujours... fraternelles !

R. Zaharia
http://france-alter.info

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Pour un Observatoire de la Sécurité des Services Publics Privatisés. (14 Déc. 2009)

1) Savez vous que la privatisation, rampante ou déclarée, des Services publics se traduit par le mot d'ordre de "Chasse aux sur-qualités" ! Cette novlangue, que la ligne managériale ne tarde pas à utiliser, lorsqu'elle est soumise à... "la sauvagerie des Private Equity Funds", (cf. "La mise a mort du travail"), est une autre façon de dire: "Diminuons la qualité du service !" ["pour augmenter notre 'attractivité'... et le profit de nos actionnaires" !]

Trente ans de fréquentation des systèmes complexes, au CNES et dans l'industrie, dont plusieurs années consacrées à l'analyse des modes de défaillance, (et aux méthodes de recherche de "causes insidieuses"... susceptibles de se combiner, dans un automatisme, pour produire un effet irréversible), m'amènent à jouer les oracles... s'agissant de l'effet de ce mot d'ordre sur... la sureté de fonctionnement de systèmes complexes:

le risque d'une catastrophe majeure sur le réseau ferré ou le parc nucléaire augmente chaque jour !

Le même processus qui conduit a l'existence de compagnies aériennes dangereuses, (car employant un personnel de pilotage ou de maintenance sous qualifié), est à l'oeuvre ! Il serait donc conforme à l'intérêt général de débattre, dans ces futurs États Généraux, la mise en place éventuelle d'un Comité de vigilance, que l'on pourrait appeler: "Observatoire de la Sécurité des Services Publics Privatisés". (OS-SP-P)

Le geste de résistance, (et d'intimidation...), auquel on peut songer serait par exemple de lancer une campagne pour démonter à l'avance le discours sur un "enchaînement d'erreurs humaines qu'il était impossible de prévoir"... qui sera, on peut le parier, celui de responsables confrontés, (par hypothèse), à une conséquence catastrophique de leur politique.

Face à l'opinion, nous pourrions les instruire solennellement du fait que logique comptable et mots d'ordre "rentabilité d'abord !" engendrent plusieurs sortes d'insécurités, (pas seulement sociale !) Nous pourrions dire à ce pouvoir si enclin à surfer sur la peur... quelle est l'insécurité dont nous voudrions qu'il s'occupe davantage !

Lui rappeler cette règle de base: "Un bon averti en vaut 2 !" Et l'assurer qu'ils ne sera pas quitte d'avoir contribué à détruire la culture "Sécurité d'abord!"[*], qui existe encore dans de nombreux services publics, notamment à l'hôpital, la SNCF, et EdF !

Pourquoi ne pas établir une liste nominative de personnes que nous tiendrons pour responsables de la prochaine catastrophe ferroviaire, sanitaire, ou nucléaire, liste commençant au sommet de l'État, et incluant les ministres et les administrations censés exercer une tutelle (ASN... DGEMP... etc.), des entreprises concernées... jusqu'à leurs patrons et directeurs, Henri Proglio, Gérard Mestrallet... Merci ?!

2) Habitué, dans une vie professionnelle antérieure, à rechercher les possibles combinaisons de facteurs, (que personne n'y voit une... allusion malveillante !), j'ajouterai que même si nous arrivions à rendre au profit le caractère qui lui fait défaut... ("Savoir rester modeste": c'est ce que propose F.Lordon avec le "SLAM" !), il resterait une raison de créer cet... "OS-SP-P": la privatisation du pouvoir régalien de création monétaire, survenue lors de la naissance de l'Euro ! (une tragédie qui... en rend possible beaucoup d'autres !)

En effet, même si c'est tu... pour l'instant, le premier budget de l'Etat sera bientôt absorbé par le monopole des banques privées sur la dette publique, ce véritable "racket légal", au terme duquel les investissements de l'État font l'objet d'une "redevance aux beaux quartiers"... devenus fournisseurs exclusifs du Trésor Public !

L'ignorance et la négligence vis vis d'un privilège digne des Fermiers Généraux, (le seigneuriage...), accordé à la finance par l'art.123 du Traité de Lisbonne, nous coûteront bientôt ~1 Milliard /semaine ! Il n'est pas neutre de constater que la monétisation de la dette est évoquée par des gens aussi différents qu'Alain Grandjean (cf. http://tinyurl.com/ybra3fp ), Patrick Artus ( http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=48836 ), sans oublier... la Fondation Hulot ( http://tinyurl.com/yjpmdvy ) !

Cette contrainte budgétaire intenable est issue d'un choix purement idéologique, selon lequel le pouvoir de création monétaire ne doit pas se trouver dans le secteur public(*). Il mettra un éventuel futur gouvernement de gauche "dans la seringue"...(surtout si l'obligation de voter un budget en équilibre entre dans la Constitution).

Il sera en particulier obligé de choisir entre qualité, sécurité, et gratuité des services publics ! Comme le fait observer Paul Aries dans "le Sarkophage", la gratuité - pour de "bons usages"- des SP (et, au contraire... leur coût progressivement dissuasif... pour les "mésusages"[#]), est un des rares leviers à disposition pour lutter contre le "Tout Marchand"... que le capitalisme financier a si bien su... nous vendre !

On comprend pourquoi nos spécialistes de "l'effet cliquet", (cf art 19 de l'AGCS...), se proposent de constitutionnaliser l'exigence d'un budget en équilibre: pour contraindre un hypothétique gouvernement de gauche à poursuivre, volens nolens, leur politique !

Les États généraux pour le service public ne peuvent, il me semble, faire l'impasse sur cette question, même si elle est à "hauts risques"... depuis que le Traité de Lisbonne est en vigueur ! (Nous pourrions - je le souhaite ardemment !- bientôt tester s'il est compatible avec un programme de gauche !) Deux pistes me semblent devoir être explorées:

- la fin de l'article 123, (qui dit: "Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux établissements publics de crédit qui, dans le cadre de la mise à disposition de liquidités par les banques centrales, bénéficient, de la part des banques centrales nationales et de la Banque centrale européenne, du même traitement que les établissements privés de crédit").

La proposition, déjà citée, d'Alain Grandjean suggère, si je comprends bien, que l'Agence France Trésor pourrait s'endetter auprès de la Caisse des Dépôts, (qui se refinancerait auprès de la Banque de France). Cette façon de se procurer des liquidités... viserait à faire en sorte que les 60 ou 70 milliards /an... du futur "Service de la Dette", se trouvent à la fois en dépenses ET en recettes du budget de l'État ! Contournement possible ou pas ? C'est une question... "du plus haut intérêt"!

- Veiller à ce que l'obligation future de voter un budget en équilibre ne porte que sur le budget de fonctionnement, (y compris une éventuelle part d'amortissements...), de façon que les investissements nouveaux des pouvoirs publics puissent être financés par des emprunts, (auprès de la Caisse des Dépôts... et de la Banque de France !?), selon un mécanisme analogue a celui que les entreprises utilisent tous les jours.

Je ne peux m'empêcher de songer que le poids énorme des intérêts de la dette correspond à un "Revenu d'existence servi à quelques % parmi les plus riches" ... et que, pour le même effort du contribuable... un Revenu Universel pourrait etre servi A TOUS: ~80 Euros /mois (ou 400 E mensuels pour un couple avec 3 enfants). Pas encore suffisant pour pouvoir refuser un boulot dégradant, polluant, ou socialement nuisible, mais un pas, tout de même, dans la bonne direction !

Notes:

[*] Le "fait têtu" qui relie la maîtrise des risques à l'existence -et au maintien- d'une culture d'entreprise, n'est ni de droite ni de gauche ! Même ceux qui ignorent "l'équation infernale du capitalisme de dérégulation à dominante financière"... (c à d: Libre Echange + Libre circulation des capitaux = Perversité obligatoire ! Sauf à moins "performer" que les copains ou... les coquins), peuvent être sensibles à la progression de l'insécurité systémique que provoque la... "chasse aux sur-qualités" ! La question se pose de faire de cet Observatoire une grande cause nationale et même... un lieu de convergence républicaine ?
Voir aussi:
http://www.idies.org/index.php?post/Leconomie-sociale-une-alternative-a-la-financiarisation-de-leconomie

(*) Le risque d'inflation que créerait... la "Planche à billets"... (qu'il me semble préférable d'appeler "Pouvoir [de création] Monétaire"), est un épouvantail que les banquiers agitent promptement, se disant hantés par le souvenir des brouettes de marks... ou celui des assignats.
Cependant, depuis que l'Euro existe, la BCE n'a pu empêcher la finance privée de faire gonfler la masse monétaire a un rythme voisin de 10% par an. Comme l'expérience l'a montré, le désastre inflationniste s'est porté sur les actifs financiers. Le pouvoir monétaire, comme tous les pouvoirs publics, doit être organisé et surtout muni d'un contre-pouvoir... Prétendre que le secteur privé, [de... désirs ?] et en outre, "dérégulé à mort", sait mieux résister à la tentation de créer trop de monnaie, me semble absurde.

[#] Bons usages et... Mésusages: Sans préjuger de l'issue d'un nécessaire débat public sur cette question, je donne comme exemple celui d'une conso de 50 m3 d'eau potable qui peut:
- soit satisfaire les besoins domestiques de 3 personnes pendant 11 mois,
- soit être utilisés en quelques heures pour remplir une piscine.


Etats_Generaux_du_Service_Public.doc (37 Ko)