Octobre 2018. De l'argent disponible sans magie ? (Projet de tribune pour le prochain No du bulletin "Angles d'Attac".)
Mélange
d’ignorance et de cynisme.
Ils
n'ont guère de points communs, ils ne parlent pas la même
langue... mais ils utilisent la même formule pour fonder leur
brutale politique d'austérité : « Il
n'y a pas d'argent magique. »
Cette formule, péremptoire et discutable, Teresa May et
Emmanuel Macron (c'est d'eux qu'il s'agit) l'emploient pour tenter de
justifier l'injustifiable : des politiques qui pourrissent la vie de
milliers de professionnels des services publics, et de millions de
personnes qui en dépendent : les services publics, utiles à
tous, sont aussi la seule richesse de ceux qui n'ont rien !
Il
suffirait en effet que ces dirigeants se préoccupent un peu
plus de justice sociale, de lutte contre la fraude et l'évasion
fiscales, pour briser le cercle infernal que les dizaines de
milliards d’euros de cadeaux aux entreprises et aux ménages
les plus riches ont fait naître depuis plus d'une décennie.
En outre la formule sur l'absence d'argent magique relève
de ce qu'on peut appeler la « cygnorance » de
nos dirigeants, c’est-à-dire le mélange
d'ignorance et de cynisme, dont il faut faire preuve pour nier - ou
faire semblant d'ignorer - qu'à défaut de lutter contre
les inégalités, une réforme de notre système
monétaire pourrait, sans aucune magie, apporter des ressources
quasi gratuites au Trésor public.
Bien que cela soit
aujourd’hui oublié, il en été ainsi
pendant les Trente Glorieuses, grâce au circuit du Trésor,
mis en place par le deuxième directeur du Trésor de la
IVe
République (F. Bloch-Lainé) dans le sillage de la
nationalisation de la Banque de France, conformément au
programme du Conseil National de la Résistance.
Les
changements intervenus depuis 70 ans, et notamment en août
1971, permettent d'envisager des modifications du système
existant, dit « à réserves fractionnaires »,
modifications qui nous procureraient les mêmes avantages que feu
le
circuit du Trésor1
démoli, il y a 50 ans sur instructions de Debré et
Giscard, par un certain... J.Y. Haberer.
Des
réalités méconnues sur la monnaie.
Même
si certaines des réformes dont il s'agit ne seraient guère
compliquées à mettre en oeuvre, on ne peut en apprécier
la pertinence sans éclairer au préalable plusieurs
questions Dracula, c’est-à-dire des questions qui
craignent la lumière, comme dit joliment notre chère
Susan George2
!
Lorsqu'on considère l'état des connaissances en
sciences économiques, aussi bien chez les professionnels qui
dominent la discipline que chez les dirigeants qu'ils conseillent,
l'utilisation de la formule « Pas d'argent magique »
est un cas chimiquement pur de... cygnorance
!
Il est quasi impossible de rendre compte du nombre et de l'épaisseur
des couches sédimentaires de préjugés ou de
conceptions erronées que révèle cette formule
!
Ainsi le 28 août, invité sur France Culture pour
les dix ans de la crise des subprimes,
Nicolas Sarkozy a décrit l'activité des banques en
indiquant qu'elles utilisent l'argent des déposants
lorsqu'elles octroient des crédits. Rien n'est plus faux ! La
réalité, il est vrai contre-intuitive, c'est que ce ne
sont pas les dépôts qui font les crédits mais
l'inverse ! Les crédits font bel et bien les dépôts
! Il serait moins arrogant et plus exact de dire : « Dans
le système monétaire actuel, il existe bien de l'argent
magique mais, les Agents Non Bancaires (ANBs3)
n'y ont pas accès ! »
Dans
la longue liste de faits méconnus ou dissimulés dont il
faut avoir connaissance pour apprécier l'intérêt,
- à plus d'un sens du terme - d'une réforme monétaire,
il y a en premier lieu l'existence
de trois sortes de monnaies, dont deux sont garanties par la Banque
Centrale, tandis que la troisième ne l'est pas (cf. tableau 1)
Les pièces et les billets que nous utilisons forment la
« monnaie fiduciaire »4.
Ensemble, ils font partie des moyens de paiement légaux : on
ne peut les refuser. La monnaie fiduciaire est l'une des deux sortes
de « monnaie centrale », c’est-à-dire
celle qui est créée et garantie par la Banque
Centrale: son existence et sa valeur sont indépendantes
de la santé financière de votre banque. Alors que sa
part dans le volume des transactions entre agents non bancaires a
longtemps été proche de 50 %, elle est désormais
de moins de 10 %. Il faut signaler que les banques - et dans une
moindre mesure le fisc - ont un intérêt direct à
la disparition des pièces et des billets.
Tableau 1 :
Sur trois types de monnaie, deux sont garanties par la collectivité
Type d'institution => |
Banque Centrale (monnaie garantie par la collectivité) |
Banques de second rang (monnaie non garantie par la collectivité.) |
Monnaie fiduciaire (Pièces et billets) |
Disponible pour tous. |
Non applicable |
Monnaie scripturale (Chiffres dans les livres - ou les ordis - de la banque) |
Réservée aux banques. |
Usage obligatoire pour les ANBs. |
Même
si nous sommes peu nombreux à en être conscients,
l'argent que nous déposons en banque cesse d'être notre
propriété.
En contrepartie, les ANBs que nous
sommes deviennent des créanciers de leur banque ! Ainsi,
lorsqu'un commerçant dépose à la banque, via un
distributeur – récepteur de monnaies, les espèces
reçues de ses clients il opère, sans en être
toujours averti, une conversion de sa recette en pièces et
billets, (c. à d. en monnaie centrale fiduciaire), en
monnaie scripturale de banque: les chiffres du solde de son compte
ainsi mis à jour traduisent l'augmentation du montant de sa
créance sur la banque.
Au cours de cette opération,
la quantité totale de moyens de paiements disponibles pour les
ANBs n'a pas varié: une somme en monnaie centrale (pièces
et billets) a été remplacée par le même
montant en monnaie scripturale de banque, non garantie par la
collectivité, donc.
Il en va autrement lorsqu'une banque
accorde un crédit, par exemple, de 70 000 € : aucun de
ses déposants n'a 70 000 € de moins, tandis que
l'emprunteur, dont la banque a monétisé l'actif que
constitue sa reconnaissance de dettes, dispose de 70 000 € de
plus !
La capacité méconnue de créer ainsi,
ex-nihilo, la monnaie non garantie que nous, les "ANBs", sommes forcés
d'utiliser constitue le privilège bancaire:
il permet de tirer profit, par exemple sous forme d'intérêts,
de ressources qu'on ne possède pas.
Une licence bancaire
permet aussi de "monétiser", (au moyen d'écritures dans ses livres... aujourd'hui ses
ordinateurs), les dépenses d'une banque5. Ceci explique l'origine de l'expression
monnaie
scripturale: monnaie écrite dans un livre.
Il
existe une autre sorte de monnaie scripturale. Celle, et c’est
la seule, que les banques utilisent entre elles, en particulier pour
solder leurs positions lors de l'épreuve de vérité
quotidienne de la Chambre de compensation : c'est la monnaie centrale
émise par la Banque de France ou les banques centrales des
autres pays ou la BCE, par exemple lorsqu'un crédit est
accordé à un établissement bancaire. Avec la
monnaie fiduciaire, elle constitue ce que l'on appelle la base
monétaire.
La monnaie
centrale, sous forme fiduciaire ou scripturale, joue le même
rôle vis-à-vis des moyens de paiement disponibles pour
les ANBs, que jouaient les réserves d'or jusqu'au 15 août
19716.
Elle est la seule utilisée pour les échanges entre
banques. En effet, elle possède une solidité analogue à
celle de l'or car elle est garantie par la collectivité, à
travers la Banque Centrale, qui est aussi Institut d'émission
et Prêteur en dernier ressort7.
Depuis l'abandon des accords de Bretton Woods il y a près d’un
demi-siècle, nous avons cette chance que la monnaie ne soit
plus d'or ou d'argent, mais une virtualité dont l'existence ne
dépend que de règles du jeu humaines. Bonne
nouvelle : elle
ne peut pas manquer ... sauf à le vouloir !
Compte tenu du
rapport entre la base monétaire et la masse des moyens de
paiements disponibles pour les ANBs8,
il est quelquefois question du rôle
multiplicateur du crédit
dans le système
monétaire à réserves fractionnaires.
Ces deux
notions de rôle multiplicateur et de réserves
fractionnaires, largement obsolètes, furent très utiles
il y a cinq siècles lorsque les échanges commerciaux
étaient limités par les quantités d'or et
d'argent que les galions espagnols ramenaient d'Amérique du
Sud. Sous le régime de la monnaie « Fiat »9,
advenu depuis près de 50 ans, le système monétaire
à réserves fractionnaires est une survivance historique
dépourvue de toute raison d'être.
NB Il est important de noter ici la différence de nature entre un crédit et un prêt, sous-entendu de monnaie préexistante : lorsque je prête mon vélo, je ne peux plus m'en servir et il n'y a pas de création d’un nouveau vélo... Cette distinction est nécessaire, notamment lorsque certaines organisations proposent l'annulation de dettes considérées comme odieuses ou illégitimes : les conséquences, sur le plan moral comme sur le plan pratique, peuvent être très différentes selon que la dette qu'il est proposé de zapper concerne un crédit bancaire ou un prêt de monnaie préexistante, par exemple celle de nos assurances ou de nos caisses de retraite.
Quelques
autres réalités Dracula.
Il
y a presque 10 ans Denis Kessler (un vice-président du
Medef) a osé qualifier de vieille lune le programme du CNR,
Les
Jours Heureux10.
Selon la fable de La
paille et la poutre,
ce patron de la branche assurance s'était abstenu de dénoncer
avec la même virulence les multiples incohérences de
notre système monétaire.
Après avoir réussi,
il y a 25 ans, à couper le cordon sanitaire entre banque de
dépôts et banque d'affaires, le secteur bancaire a pu
célébrer l'avènement de banques universelles à
effet systémique. Cette innovation constitue la réalisation
d'un rêve de parieurs : « Pile, nous gagnons;
face, ils perdent ». En effet, la masse des dépôts
en monnaie créée par les banques, c’est-à-dire
non garantie par la Banque Centrale, est telle qu'une banque
universelle en difficulté doit obligatoirement être
secourue, ce qui fait naître une situation doublement immorale.
À la douceur de tirer profit de ressources qu'on ne possède
pas - le privilège bancaire tel qu'il existe depuis des
siècles - est venue s'ajouter une assurance tous risques quasi
gratuite, pudiquement qualifiée d'aléa moral !
De
la sorte, après la crise de 2008, des dispositions ont été
prises pour qu'en cas de nouvelle crise majeure, ce soient les
créanciers et non plus les États qui contribuent aux
sauvetages obligatoires.
Ce passage du Bail
Out
au Bail
In
a été consacré par la Bank
Recovery & Resolution Directive
(BRRD) qui autorise les banques à se recapitaliser en
prélevant sur nos dépôts !
Cette mesure,
potentiellement explosive, a été dissimulée
derrière une campagne "d'information" sur la garantie des dépôts
à hauteur de 100 000 €. La manœuvre a effectivement
réussi: ce qui aurait pu déclencher des émeutes
ne suscite qu'indifférence et passivité11
!
Il
est hélas peu connu que cette mesure « rassurante »
est largement inadéquate.
Outre qu'elle conforte l'aléa moral, elle ne protège
guère les déposants du risque systémique que
représentent les banques pachydermes12,
celles qui détiennent plus de 10 % de la masse des dépôts :
le fonds de garantie ne représente que quelques % de cette
masse !
Les divers effets d'aubaine13
dont le secteur bancaire a bénéficié ont fait
exploser ses profits : leur part dans ceux du CAC 40 a été
multipliée par 10. Ayant acquis une telle puissance, les
banques créent leur monnaie non garantie à leur guise,
puis lorsqu'elles sont en difficulté, c’est-à-dire
quand elles manquent de monnaie centrale pour honorer leurs
engagements, notamment vis-à-vis des autres banques, la
prétendue supervision bancaire est mise devant le fait
accompli.
Sauf
à déclencher une nouvelle crise financière et étaler ainsi son impuissance, elle doit
fournir la
liquidité... c’est-à-dire la monnaie
centrale.
C'est tout l'édifice du contrôle prudentiel
(Stress
tests,
accords de Bâle, etc.) qui, après la BRRD, apparaît
pour ce qu'il est : une bureaucratie aussi lourde qu'inefficace.
La monnaie centrale, garantie par nous tous, se distingue de la monnaie créée ex-nihilo par les banques lors de l'octroi de crédits ou de l'achat d'actifs. La première est solide, permanente, et peu coûteuse tandis que la seconde est éphémère, fragile, et presque toujours productrice d'intérêts, qu'un ANB doit payer.
Pas de rareté monétaire.
Les
conditions qui permettraient de s'affranchir des multiples
inconvénients du système monétaire actuel ne
sont guère réunies.
Comme
la plupart de nos concitoyens, sauf ceux qui s'informent auprès
d'Attac, des Economistes Atterrés ou de
Finance Watch,
nos dirigeants ignorent à peu près tout des aspects
techniques évoqués ici. Sans se soucier du conflit
d'intérêt dans lequel se trouvent les experts qu'ils
consultent, notamment les dirigeants du secteur bancaire, les
gouvernements se prêtent au rafistolage incessant d'un système
injuste, bancal, risqué en termes de paniques bancaires, et
privé de toute raison d'être. La privatisation du
pouvoir souverain de création monétaire fait du propos
« Il
n'y a pas d'argent magique »,
une véritable provocation : cela dépend pour
qui !
Pourtant, la rupture du lien entre la monnaie et une
certaine quantité de métaux précieux a supprimé
l'une des causes de la rareté monétaire.
Elle
rend possible de soutenir la proposition suivante : une
collectivité souveraine disposant de connaissances, de main
d'œuvre qualifiée, d'énergie et de matières
premières peut, dans certaines limites, se prêter à
elle-même. Une épargne préalable ne serait alors
nullement nécessaire pour financer ses investissements.
Cette autre formulation de l'épouvantail favori des banquiers et des financiers, celui de la « planche à billets »14, conforte a posteriori le mécanisme du circuit du Trésor qui, dans un pays ravagé par la guerre et dix fois moins riche qu'aujourd'hui, permit de financer pour le meilleur et pour le pire, les investissements publics des Trente Glorieuses.
Sujet
technique très politique.
La
façon d'utiliser, de subsidiariser et d'encadrer ce formidable
pouvoir qu'est le pouvoir de création monétaire est à
la fois un sujet politique et un sujet technique. Il s'agit d'une
part de choisir entre les milliers de projets possibles, et d'autre
part d'apprécier les chances de succès de chacun d'eux
tenant compte des ressources matérielles et des compétences
disponibles qu’il s’agisse de matières premières,
de savoir-faire et de forces de travail.
Cette fonction a
longtemps été le métier principal des banques.
La plupart d’entre elles, en tant que simples intermédiaires
financiers, pourraient continuer à l’accomplir
correctement même après avoir été
délestées de leur privilège bancaire, par la
dé-privatisation du Bien public qu'est la création
monétaire.
Parmi les obstacles qu'une réforme
monétaire devrait affronter, il y a tout d'abord le triomphe
d'une pensée économique aberrante, qui présume
la neutralité de la monnaie,
qui fait prévaloir le dogme de l'indépendance de la
Banque Centrale, et qui exclut ainsi toute coordination entre
politique budgétaire et politique monétaire15.
De
la sorte, la monnaie unique16
nous procure le confort et la sécurité d'une automobile
dans laquelle les freins et l'accélérateur seraient
manœuvrés de façon aléatoire…
Il
y a ensuite la liberté totale de circulation des capitaux,
sauf quand la BCE se livre à des actes de guerre envers
l'Irlande, Chypre, et surtout... la Grèce à l'été
2015 ; elle se conjugue avec le dogme de la libre concurrence pour
favoriser le « triomphe
de la cupidité » (Stiglitz)
et « l'horreur
économique »
(Forrester). Un gestionnaire de fonds-vautour qui ne serait pas aussi
féroce et pervers que ses concurrents serait vite congédié
par ses actionnaires !
Que cette sauvagerie soit inscrite dans le
Traité de Lisbonne n'empêche pas Jean Tirole,
notre
dernier prix Nobel d'économie17,
de rester un partisan résolu de la concurrence
sauf
quand il s'agit de celle des économistes hétérodoxes
!
Enfin, il ne faut pas sous-estimer
la
nocivité de la plupart des modèles économiques
utilisés à Bercy ou ailleurs : lorsqu'ils s'acharnent à
reproduire les bienfaits de la main magique, ils sont obligés
de faire l'hypothèse d'acteurs rationnels
et parfaitement informés agissant sur des marchés
transparents et sereins !
Pôle public financier.
En
dépit de cette situation calamiteuse, des solutions plus ou
moins satisfaisantes existent ! Et cela, sans renverser la table
à Bruxelles, Francfort ou Berlin.
Il y a tout d'abord celle
déjà décrite dans "Angles d'Attac" de
mai-juin 2014 : la création d'un pôle public financier
(PPF) de taille suffisante qui, selon le 2e
alinéa de l'article 123 du TFUE garantissant l'égalité
de traitement entre banques publiques et banques privées,
aurait accès aux prêts en monnaie centrale de la BCE
avec un taux de l'ordre de 1 % alors que
le taux moyen sur la dette publique demeure proche de 3 %18.
Une autre solution, sans doute incompatible avec le Traité de
Lisbonne, a été décrite en juillet dernier sur
la liste Finance Banques
d'Attac,
lors de l'annonce de la campagne #Pas
avec notre argent
de septembre. Il s'agit d'ouvrir aux ANBs l'accès à la
monnaie scripturale de la BCE.
On
sait que les banques gèrent déjà, en
contrepartie de droits de garde et de frais d'opérations, des
portefeuilles de valeurs mobilières dont elles ne deviennent
pas propriétaires. Il est donc concevable qu'elles puissent
gérer également des comptes de dépôts en
monnaie centrale scripturale, ouverts à la Banque de France
par les ménages et les entreprises qui le souhaitent.
Ceci
serait conforme à l'objectif de la campagne #Pas
avec notre argent. De
même que les banques ne peuvent disposer des titres dont on
leur confie la garde, elles ne pourraient pas disposer de l'argent
déposé sur un compte ouvert ailleurs que dans leurs
livres. Cette option s'inspire de l'initiative Monnaie pleine que les
Suisses ont rejeté le 10 juin dernier19,
non sans avoir suscité un débat public sur la
possibilité pour tout un chacun d'avoir un compte de dépôts
à la BNS.
Il est intéressant de noter que le groupe
à l'origine de cette initiative helvétique vient de se
voir proposer une rencontre par... la BNS ! On peut regretter
qu'Attac France n’ait guère considéré
cette proposition pourtant soutenue par Attac Suisse.
La
possibilité d'accéder à la monnaie centrale
garantie par la collectivité pour les comptes d'ANBs ouverts à
la Banque de France, comme c'est déjà le cas pour les
banques, rendrait sans objet le fonds de garantie des dépôts,
en cours de constitution, très progressive,
par les banques dans le cadre de la scélérate
BRRD.
Il
existe un mérite commun aux deux options ci-dessus :
-
rétablir un bien public porté disparu depuis la rupture
du cordon sanitaire entre banques de dépôts et banques
d'affaires : la sécurité des circuits de paiement
et des encaisses des ménages et des entreprises.
S'agissant
du PPF, il est clair que nos petites économies y seraient plus
en sécurité que dans n'importe laquelle de nos six
banques pachydermes.
Outre d’éviter de laisser notre
argent à la disposition de banques sans foi ni loi, le PPF
aurait pour autre intérêt de limiter
les dégâts liés au financement de la dette
publique,
puisqu'il s'agit d'un processus
de redistribution de revenus, qui fonctionne à
l’envers
: de tous vers les plus riches, en UE & hors UE.
En effet,
les choix politiques désastreux des 25 dernières années
ont conduit les dirigeants, quel que soit leur parti, à
réduire les dépenses des services publics20,
afin de pouvoir verser aux émirs du pétrole et aux
fonds
mafieux des redevances sur les investissements publics21
!
Rien sans la pression publique.
Les
questions traitées ici se prêtent à toutes sortes
de confusions et de controverses. C'est ainsi que, dans son abondante
production sur la supervision bancaire22,
le Comité de Bale continue de prétendre que
les
crédits consentis par les banques sont financés en
mobilisant les dépôts des clients.
Or il
ne doit rester que trois ou quatre vénérables
banques suisses qui fonctionnent encore de cette manière.
On
peut aussi considérer que ces propositions complexes ne sont
pas vraiment utiles car il ne serait pas nécessaire de
remettre en cause le privilège bancaire dès lors que
les banques sont sous contrôle social, la création
monétaire étant au service de l'intérêt
général. Certes, certes... mais en attendant ce moment
improbable, et en tout cas assez éloigné, on peut se
persuader que, compte tenu des dizaines de milliards d'intérêts
que mettraient en cause les réformes décrites ici, ce
n'est que la pression de l'opinion publique qui pourra les faire
advenir. Ceci suppose un degré d'information suffisant. Ce à
quoi s’essaie l’auteur de cet article !
Raymond Zaharia
2Se reporter au constat d'Alfred Sauvy : Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets.
3ANBs = les entreprises et les ménages.
4 Etymologiquement parlant, « digne de confiance ».
5 Des achats de devises, d'immeubles, la paie de ses employés, etc.
6 Ce jour-là, le président des Etats-Unis, Richard Nixon, rompt le lien entre 35 $ et une once d'or.
7 Dans le cas où le pays considéré a une économie robuste et stable.
8 Dans un rapport de 3 à 4.
9 Que la monnaie soit.
10 La révision constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron, avortée en juillet après l’affaire Benalla, voulait d’ailleurs achever la démolition de ce programme et passer à la trappe la Sécu, les lois sur les Comités d'entreprise et les CHSCT, ou l'indépendance des médias, etc.
11 Indifférence et passivité bien compréhensibles, compte tenu du niveau d'information.
12 Les banques pachydermes, (comme BNP, SG, ou LCL), sont tellement énormes que leur faillite susciterait un effet domino catastrophique.
13 Monnaie « Fiat », moyens de paiement électroniques, que les plus grandes banques peuvent créer sans trop se soucier de leurs réserves en monnaie centrale. (Ce qui donne naissance à un aléa moral.)
14 Un dessin animé pour enfants, créé par la BCE, associe la planche à billets au monstre de l'inflation.
15 Voir l’exemple du taux de change: sa gestion, confiée à la BCE, échappe au pouvoir politique.
16 Fruit vénéneux des compromis franco-allemands désastreux qui ont conduit à l'UE de Lisbonne actuelle.
17Que je surnomme Gentil Role, en réalité un faux prix Nobel : ce prix de la Banque de Suède n'aurait pas été voulu par Alfred Nobel.
18 On trouvera plus de détails dans le fichier pdf accessible par ce lien : http://tinyurl.com/dividette
19 C'est le cas de la plupart de leurs votations citoyennes. Pour éviter que la Banque Centrale Suisse ne soit submergée, ces comptes auraient été gérés par les banques, comme elles le font déjà pour les comptes titres.
20 Et par voie de conséquence, celles des associations d'intérêt général, Hélas ! Sur les possibilités de financement des associations, voir ce document de travail : http://tinyurl.com/Deducaso
21 Sous la forme des intérêts versés aux détenteurs de la dette publique.
22 Environ 2 millions de mots.