R. Zaharia.                        
Mieux repérer les obstacles non 
techniques à la transition ?
 Document de travail "V1.7"...  17 avril 
2018. (Révisé 18-22 avril,13/06/2018, & 28/08/2020.) Commentaires bienvenus 
!
Parmi les acteurs soucieux de limiter la menace croissante que constitue la 
modification en cours de la composition chimique de l'atmosphère, 
l'existence d'obstacles non techniques, susceptibles de ralentir ou paralyser leur action, est 
trop souvent sous-estimée.
Ce document de travail tente d'éclairer une 
situation que Susan George pourrait qualifier de question Dracula: celles 
qui... 
craignent la lumière !
Les lois qui déterminent notre destin se répartissent en lois physiques, 
(la 
gravitation... la mécanique des fluides... le principe de Carnot...), et en lois humaines, (le libre 
échange... les règles comptables... la monnaie et le crédit...)  
La délimitation des taches et leur partage entre les 3 groupes de travail du GIEC 
fournissent un exemple de cette dichotomie. 
- Lorsqu'en analysant des centaines de publications scientifiques, le Groupe I 
rend compte de constats préoccupants... ses membres s'abstiennent, bien entendu, de 
suggérer des modifications aux lois de Planck ou aux relations de Maxwell...
- Lorsqu'en analysant les revues de l'économie dominante, 
(American 
Economic Review, Journal of Economic Literature, Journal of Political 
Economy (Chicago), Quarterly Journal of Economics (Harvard), Econometrica 
(Yale), Review of Economic Studies), les membres du Groupe III constatent 
que des conventions sociales ou des usages comptables et financiers se 
traduisent par des gaspillages colossaux, un coût du capital trop élevé, ou une 
préférence pour le présent trop prononcée, ils adoptent à leur tour un 
comportement neutre: 
conformément à leur mandat, (Policy relevant & non... Policy prescriptive), 
ils s'abstiennent de formuler toute exigence de cohérence de l'action publique, 
bien propre à bousculer nos habitudes & quelques... rentes de situation !
En partant de ce constat, Nicolas Stern avait pu, il y a ~10 ans, 
prendre le contre-pied des économistes dominants, (comme W. Nordhaus, 
encore cité 72 fois dans AR5-WGIII), et publier un article retentissant sur...
le coût de l'inaction !
Pour l'essentiel, sa démonstration reposait sur une proposition, (non sans 
rapport avec... le 
rapport Lebègue !), qui consistait à cesser d'utiliser, pour comparer des 
projets ayant des profils de dépenses très différents, des taux d'actualisation (discount 
rate), de 8% ou plus.
N. Stern est certes devenu Lord Stern... mais l'usage de taux 
d'actualisation défavorables aux démarches d'atténuation & d'adaptation demeure largement 
répandu.
-
La situation est encore plus critique avec la règle du 
Mark to Market, adoptée 
par l'IASB, puis incorporée dans les IFRS: elle a imprimé la 
dictature des
Quarterly 
dans l'esprit des dirigeants des grands groupes industriels et financiers, et 
suscité des activités parasitaires comme le Trading Haute Fréquence.  
L'ONG
Finance Watch, basée à Bruxelles, s'efforce d'attirer l'attention sur cette 
situation, en particulier celle de sa voisine... la Commission !  
-
Il serait tout à fait injuste de se limiter aux démarches contradictoires 
du GIEC et de l'IASB: 
l'absence de toute exigence de cohérence dans l'action des institutions 
internationales est une règle universelle: 
l'OMC n'est pas engagée par l'accord de Paris, (de même que les nombreux accords de libre 
échange, conclus ou en cours de négociation, par l'UE).
# Au regard de ces situations dangereuses pour plein d'espèces vivantes, (en 
particulier... la nôtre !), une démarche 
systématique visant à identifier & réduire les obstacles non techniques à la 
transition... pourrait nous  
faire gagner un temps précieux, 
pour la course contre la montre... dans laquelle les sociétés 
développées, (assurément moins résilientes que les 
peuples premiers), sont engagées. 
En effet, prendre conscience de l'existence de tels obstacles est souvent une fraction importante du travail pour les réduire !
- Ainsi, parmi ceux qui détiennent un pouvoir de 
décision plus ou moins étendu, figurent des responsables dont la personnalité, 
(ou la nature des fonctions), les conduit à afficher des "certitudes 
tranchantes", et... plus ou moins bien fondées, (qu'il s'agisse 
d'informations incomplètes ou inexactes, ou de préjugés, telle, par exemple, 
l'affirmation de dirigeants prônant l'austérité: "Il n'y a pas d'argent 
magique !") 
Tout ce qui est de nature à bousculer le confort intellectuel que procurent de 
telles certitudes doit être privilégié. 
Un exemple convaincant de l'efficacité d'un tel processus est fourni par la 
transition, depuis l'hostilité ou l'embarras que suscitaient les premières 
versions du scénario Négawatt, à une quasi-reconnaissance officielle, dans
l'article 2 de la loi de transition énergétique d'Août 2015. ("Maîtriser 
la demande d'énergie et favoriser l'efficacité et la sobriété énergétiques.")
- La survivance du système monétaire à réserves fractionnaires, (né à la 
Renaissance, et que plus rien ne justifie aujourd'hui), peut aussi constituer un 
obstacle, (en tout cas un frein), à la transition. Voir à ce sujet 
https://annuel.framapad.org/p/La_monnaie_question_Dracula-_-_?lang=fr 
 
- Voir aussi d'autres aspects comme l'effet "Entre soi", (ou "Effet 
Establishment"),
repéré il y a plus de 20 ans par P. Roqueplo: il conduit à occulter les 
opinions minoritaires (Cf. Météo et Climat confiant à l'INRA l'organisation du 
débat sur le thème Production agricole & Chg.t climatique.) Ainsi que les liens suivants:
https://www.researchgate.net/project/Fall-2016-Creating-a-comprehensive-list-of-non-technical-obstacles-to-Climate-Change-attenuation
https://blogs.mediapart.fr/attac-france/blog/081217/le-libre-echange-ce-poison-du-climat
https://blogs.mediapart.fr/yves-besancon/blog/031117/la-famille-des-cinq-crises-du-modele-liberal-productiviste-suite-iiiv
)
#  La démarche proposée, (Mieux repérer les obstacles non 
techniques à la transition), devra, bien entendu être suivie, d'un débat public 
[*] 
sur les mesures correctives envisageables, par exemple et entre autres: 
- Mettre plus en évidence nos délits d'habitude et les formidables gaspillages 
qu'ils entretiennent, dans nos modes de production et de consommation ! 
Il s'agit d'une étape décisive pour l'acceptabilité sociale de la 
transition, (notamment l'indispensable abandon de
mottos comme "No limit !" & 
"Tout, tout de suite !")
Montrer l'importance de nos gaspillages, c'est ne plus se priver d'un 
argument décisif pour combattre l'effet de 
sidération !(Cf. Patrick Viveret): 
une large part de notre 
impuissance collective résulte de l'affirmation (mal fondée...), selon laquelle 
la baisse de notre consommation d'énergie primaire entraînerait fatalement une 
baisse de la croissance, donc de notre niveau de vie:
ceux qui connaissent les 3 notions emboîtées 
d'énergie primaire, d'énergie finale, et d'énergie utile 
(elles permettent d'évaluer, d'une part les pertes & gaspillages à la production 
+ distribution, d'autre part les pertes & gaspillages à la consommation), savent 
que le niveau de nos connaissances diminue 
beaucoup lorsqu'on passe de l'énergie primaire, (celle qu'on trouve 
dans la nature), à l'énergie utile (celle strictement nécessaire au 
service rendu.) 
Dans de nombreux secteurs, on peut présumer que l'énergie utile n'est que 
le tiers ou le quart de l'énergie primaire. 
Dans ces conditions, il est important de noter 
que les corrélations écrasantes... entre richesses produites et énergie 
mise en oeuvre, sont établies en énergie primaire 
(celle qui est la moins mal connue...), c. à d. qu'elles rendent également 
compte de 65 à 75% d'énergie ne contribuant pas à la satisfaction de nos 
besoins individuels ou collectifs ! 
(Voir par 
exemple
http://clubdesargonautes.com/Intensite_energ_du_PIB_Janco2013.jpg )  
Certes, le découplage dont nous rêvons, (entre PIB et énergie), n'est 
pas simple... 
Il serait cependant dommage de "noircir le tableau", comme c'est 
forcément le cas lorsqu'on ne montre que la consommation d'énergie 
primaire par unité de PIB: cela revient à faire comme si les pertes 
et gaspillages actuels étaient inévitables. 
Est-il exclu qu'une conscience plus aigue de la menace entraîne une 
modification des comportements ? 
Est-il exclu de faire avec 1 m3 de gaz, ou 1 litre de pétrole, la même chose 
qu'avec 2 ? Cela s'appelle la co-génération de chaleur ET d'électricité !
(Cette façon de ré-organiser la production - & la 
division du travail entre électriciens & chauffagistes - permet de dépasser la 
limite du rendement de Carnot d'un cycle thermodynamique: le déchet thermique 
des processus de production d'énergie mécanique devient une ressource.)
- Restaurer la notion de Juste Besoin, c. à d. favoriser le bon usage & pénaliser le mésusage, 
comme dit Paul Aries. (Davantage de vigilance - et/ou 
de sobriété - dans nos usages quotidiens de l'énergie... Moins de pubs couplées 
à des suremballages, consommateurs de matière & d'énergie.)
(Voir aussi
https://annuel.framapad.org/p/Pour_une_transition_reussie )
[*]  M à J du 28 Août 2020. La démarche préconisée 
(Rechercher & éliminer les obstacles non techniques à la transition), a été 
abordée par la Convention Citoyenne pour le Climat. (Dans des conditions qui 
n'étaient, hélas, pas les meilleures, notamment en raison du confinement.)
Le "Principe de cohérence" [1] figure page 490 de son
Rapport Final  !
Il a certes été écarté par la CCC, au profit d'une "proposition No 5" [2]... 
(problématique, comme la suite l'a montré).
Une procédure dite "vote de préférence" a conduit à ce ratage majeur. (Il est 
vrai qu'elle fut mise en oeuvre dans des conditions déplorables, tard dans la 
soirée du dimanche de Pentecôte !)
L'essentiel n'est pas là: l'exigence de cohérence de l'action publique fait 
désormais partie des options présentes dans le débat public sur les modifications 
souhaitables de notre Constitution. On ne peut que s'en 
réjouir.
Notes:
[1] Proposition 06 : Ajouter un deuxième alinéa nouveau au préambule (le 2e 
alinéa devenant le 3e) :
"La cohérence des politiques publiques est à la fois une exigence 
démocratique et une condition nécessaire du succès des démarches de transition. 
Cette exigence s’applique à tous les acteurs qui déterminent ces politiques. La 
protection des biens communs mondiaux impose de réduire les incohérences que 
suscite l’action de groupes de pression défendant des intérêts économiques et 
financiers catégoriels. Dans ce but, la France soutient la création d'une 
Organisation Mondiale des Biens Communs."
[2] Curieusement, la "Proposition 05", (adoptée dans des conditions très 
discutables par la CCC, puis rejetée par E. Macron...), n'apparaît pas dans le 
CR figurant page 490... On peut cependant la voir page 455.