Quelques réflexions sur l'initiative Monnaie Pleine. R. Zaharia 15 Mai 2018  

Dans un système bien fait, on assure la séparation des fonctions. (Par exemple, dans votre voiture, lorsque vous tournez le volant, cela n'a pas pour effet d'actionner le frein...)
Le système monétaire actuel est l'héritage d'une invention vieille de ~5 siècles qui a permis le démarrage du capitalisme, (pour le meilleur ou... pour le pire, à vous de juger !)
En effet, tant que les échanges marchands ont été limités par la quantité de métaux précieux disponibles, il n'y a eu aucune croissance de l'activité économique.
L'invention du système monétaire dit "à réserves fractionnaires" a permis de quasiment tripler la masse monétaire. Bien que ce système soit devenu inutile depuis le 15 aôut 1971, (le jour où R. Nixon a rompu le lien entre une once d'or et 35$), nous avons toujours 2 sortes de monnaies:

- la "monnaie centrale", qui est entièrement garantie par la collectivité, (le peuple suisse... à travers la BNS). Il s'agit d'une part des pièces & des billets, et d'autre part de la monnaie "scripturale" créée par la BNS. La monnaie centrale est celle que les banques utilisent entre elles, (notamment pour solder leurs comptes, par exemple dans "l'épreuve de vérité" qui se joue, chaque jour ouvrable, à la "chambre de compensation" entre banques.)

- la monnaie scripturale bancaire, qui n'est que partiellement garantie par un fonds de taille très insuffisante. (Il couvre moins de 5% de nos dépôts.)
Cette seconde sorte de monnaie, (qui est celle que nous devons obligatoirement utiliser, puisque la détention et la circulation des espèces sont de plus en plus limitées), est triplement problématique:
- elle entretient la survivance d'une masse monétaire à "réserves fractionnaires" que plus rien ne justifie: pourquoi les entreprises et les ménages devraient-ils continuer à utiliser une monnaie mal garantie, au lieu d'utiliser de la monnaie centrale scripturale ? (Comme le font les banques entre elles...)
- elle entretient la survivance du privilège bancaire, c. à d. la privatisation d'un bien commun qu'est... le pouvoir se prêter à soi même (!) que détient toute collectivité économiquement viable, (comme c'est le cas de la Suisse); il s'agit bien entendu du pouvoir régalien de création monétaire.
- enfin et surtout, elle perpétue le défaut majeur du système monétaire à réserves fractionnaires que l'évolution technologique est, hélas, venue ajouter aux 2 précédents: il s'agit de l'explosion, comme moyens de paiement, des substituts monétaires, (la monnaie scripturale bancaire...), que les banques créent dans leurs ordis... au moment où elles accordent un crédit.
Il rend ainsi inévitable la confusion de 2 fonctions vitales, (qui ne sont plus indépendantes, comme elle devraient pourtant l'être... dans un système bien conçu):

# faire en sorte que l'activité économique dispose d'une quantité adéquate de moyens de paiements (ni trop... ni trop peu !)
# financer les investissements nouveaux par des prêts, une activité qui a longtemps été le "coeur de métier" des banques, (jusqu'à ce que la disparition du cordon sanitaire entre banques de dépôts et banques d'affaires permette aux nouvelles banques - dites "universelles"... - de risquer notre argent dans le grand... "Casino financier mondial" !)

L'initiative monnaie pleine a pour but de corriger ces 3 défauts:
- elle offrira la possibilité à chacun d'entre nous d'utiliser la monnaie centrale garantie par la BNS. (Comme le font déjà les banques.)
Chacun aura le choix de continuer à placer, s'il le souhaite, tout ou partie de son argent dans des secteurs plus ou moins risqués du... Casino financier ! (Il s'agira alors d'une décision librement consentie, et non plus de... subir un effet insidieux du progrès technologique !)

- elle rendra possible la séparation des fonctions vitales décrites ci-dessus: la BNS veillera à l'adéquation entre masse monétaire et niveau d'activité économique; en particulier, elle veillera à ce que les banques disposent des ressources nécessaires pour financer par des prêts de monnaie existante, les investissements des entreprises et des ménages.

Cette proposition met fin à l'instabilité "générique" du système à réserves fractionnaires (cf. les nombreuses "paniques bancaires" comme celle de la Northern Rock en 2008). Elle a pour effet "collatéral"... la disparition du privilège bancaire.
Outre la complexité des questions que traite l'initiative... il existe une situation embarrassante pour beaucoup d'entre nous: une large part de "l'establishment"... mais aussi le Conseil Fédéral ignorent, (ou font semblant d'ignorer ?), le conflit d'intérêt manifeste dans lequel se trouvent les représentants du secteur bancaire, lorsqu'ils s'opposent à une proposition ayant...
- pour but de sécuriser nos dépôts bancaires (comptes à vue uniquement), et...
- pour effet de supprimer le privilège bancaire, que de toute façon... plus rien ne justifie depuis le 15 août 1971 !

N.B. Voir aussi  http://www.france-alter.info/Initiative_Monnaie_Pleine.htm